De Facebook à MrBeast, cette méthode de production a séduit les industriels du web qui l’utilisent massivement. Pourtant, de nombreuses questions peuvent se poser quand on pratique des expériences sans en informer les usagers ou qu’on créer de faux éléments d’interface pour tester une théorie. Enquête sur des pratiques peu connues du grand public.

Conceptualisé par l’entrepreneur Eric Ries dès 2008 sur son blog, cette méthodologie a très vite intéressé les grandes entreprises technologiques. Facebook et son « Move fast and break things » ou encore la conférence donné par Eris Riess aux employés de Google en 2011, quelques mois avant la publication de son livre ‘The Lean Startup’, le montre. L’idée est simple : beaucoup d’entreprises échouent car les produits proposés ne répondent à aucun besoin ou y répondent mal, et la solution serait de tester son produit avant son lancement pour valider son utilité.

Eric Reiss définit un certain nombre de principes clés, mais nous retiendrons surtout les principes de l’apprentissage par validation et l’obsession de la mesure. Pour chaque fonctionnalité ou chaque produit, il est conseillé de créer un produit minimum viable (vous avez peut-être déjà croisé ce terme de ‘MVP’). Cet objet peut être par exemple une simple maquette, et il faut la proposer à des clients pour voir leur réaction. L’idée est ici de mesure les réactions pour pouvoir savoir si le produit peut marcher. S’il ne marche pas, alors on apprend de cet échec et on recommence.

Sur le papier, l’idée semble bonne. Tester une idée sans la développer, en gardant le produit le plus maigre possible (d’où le nom de la méthode), pourrait même ressembler à la méthodologie scientifique de l’expérience mais appliquée à l’entrepreneuriat. Cependant, nous allons voir que cet outil peut être très pratique pour les entreprises mais assez dérangeant pour les usagers.

Quels problèmes posent le lean startup ?

Il des premiers problème de cette méthode est l’absence de demande de consentement des usagers. Si on prend l’exemple d’une maquette d’un produit, le client pourrait aisément comprendre qu’il ne s’agit pas d’un réel produit, mais dans les technologies du web, il est parfois difficile de savoir si un site web qui promet des fonctionnalités a déjà tout de codé et fonctionnel ou s’il s’agit d’une coquille vide, or la méthode du lean startup promeut ce type de chose. Dans le livre « Les Géants du Web » du cabinet de conseil Octo, il est expliqué que le site ChooseYourBoss a créer une page permettant de créer un compte via l’intermédiaire de plusieurs réseaux sociaux (Linkedin, Viadeo…) et d’un bouton pour s’enregistrer par courriel. Le hic est que ce dernier bouton ne permettait pas de s’inscrire par courriel mais affichait un message indiquant que la fonctionnalité n’était pas implémentée (et enregistrait au passage le nombre de personne ayant cliqué sur le bouton). Créer un élément d’interface factice pour tester une théorie peut relever de la tromperie pour l’usager. C’est une fausse promesse.

L’absence de consentement peut être plus grave lorsqu’on évoque les techniques d’A/B testing. Cette technique vise à proposer une fonctionnalité nouvelle uniquement à un groupe d’utilisateur·rice·s là encore pour tester une théorie. Bien souvent les personnes ne sont pas informé qu’elles font partie d’une expérience. Là encore on peut considérer cela comme une tromperie. Linkedin s’est récemment fait épinglé car le service menait ce genre d’expériences sans en avertir les personnes. Pour palier à cette problématique, certaines entreprises mettent en place des programmes de beta test (par exemple Apple programme beta, Github feature preview qu’on retrouve aussi dans les jeux vidéo) où les usagers sont avertis qu’iels participent à l’amélioration du produit en testant ces nouvelles fonctionnalités. C’est doublement gagnant pour les industriels car ces programmes ont tendance à favoriser la fidélité des usagers.

Un des autres problèmes est l’obsession de la mesure. Pour que la méthode lean startup fonctionne il faut tout mesurer en permanence, c’est comme cela que se construit la connaissance. Les atteintes à la vie privée et la protections des données peuvent alors se poser. Les outils tel que Google Analytics qui fournissent ce genre d’outil sont pointé du doigt pour le irrespect de la protection des données, on en a déjà parlé sur ce blog.

Pour finir, on peut également regretter l’absence de partage de la connaissance. Il est assez rare que les industriels partagent les données anonymisées qui ont permit d’aiguillé leurs choix. Un contre-exemple est celui de Linkedin précédemment cité qui justement avait publié une recherche suite à des expériences sociales faites sur leur service qui avait justement permit de connaitre l’existence de ces expériences.

Quel avenir pour le lean startup ?

Certaines personnes critiquent la méthode du lean startup puisqu’elle aurait créé un myth selon lequel il existerait une méthode permettant aux startups de réussir. Or, et on le sait tous, beaucoup de startup échouent par manque de chance. Il n’existe pas de formule magique.

Aujourd’hui, on peut retrouver le lean startup un peu partout. Suite au rachat de Twitter, Elon Musk a annoncé que beaucoup de fonctionnalités font être testées dans les prochains mois et que certaines « idiotes » seront supprimées si ça ne fonctionnait pas. On peut également aussi toucher du doigt une autre problématique ici est l’effet d’annonce. Musk annonce beaucoup de choses et modifie les fonctionnalités en fonction des réactions. Un ancien ingénieur de Tesla évoquait le fait que même les travailleur·euse·s ne sont pas forcément mis au courant en interne des annonces avant qu’elles ne soient faites, posant beaucoup de problèmes d’organisation notamment.

Sur YouTube aussi on retrouve le ‘lean startup’ mais de la part des vidéastes. Dans une conférence, le youtuber MrBeast indiquait créer plusieurs miniatures pour ces vidéos et les changeaient à loisir dès que les statistiques de la vidéo baissait anormalement. En France aussi, certains vidéastes comme Squeezie ou Hardisk peuvent changer le titre et la miniature d’une vidéo après quelques heures de publication. Cette méthode de marketing est même promue par YouTube qui recommande « d’expérimenter la mise à jour d’anciennes miniatures afin d’augmenter l’attrait de votre vidéo pour les nouveaux spectateurs ».

Si ces méthodes ne sont pas forcément conscientisées comme étant du lean startup, cela pose également la question du concept lui-même. Tester et expérimenter pour découvrir des motifs est naturel. On peut appeler cela lean startup si on veut, dans tous les cas certaines mesures, d’information, de demande de consentement ou autres, pour les destinataires du produit devraient être mises en place. En attendant, on peut regarder le milliardaire Elon Musk s’amuser avec les quelques 250 millions d’usagers de Twitter.