Depuis quelques années, je réalise de nombreuses demandes de documents publics. Si la procédure est simple, je suis parfois étonné que peu personnes ne le fasse ou pire que lorsque je fais une demande auprès d’une administration, je puisse tomber face à une personne qui ne connait pas la loi et répond à côté de la plaque. Dans cet article, je souhaite vous expliquer comment demander une information, un document, des données ou même le code source d’un logiciel possédé par n’importe quelle administration.

Principes généraux

  • Tout citoyen·ne peut demander n’importe quel document à n’importe quelle administration.
  • L’administration a l’obligation d’y répondre.

Il existe quelques exceptions à ces règles de base mais en tant que citoyen, vous n’avez pas à connaitre ces exceptions : si vous avez un doute sur le document que vous souhaitez récupérer (s’il fait parti des exceptions ou non), je vous conseille de le demander d’abord et de réfléchir après ! Ça peut paraitre un peu troll dit comme ça, mais c’est un réflexe à prendre qui ne pourra être que bénéfique. Plus la demande est faite tôt plus le processus se terminera rapidement. En effet, et on va le détailler par la suite, mais le processus pour obtenir un document public peut être long… très long… mais il ne faut pas se décourager (pas déjà) ! Demander un document public est un acte citoyen. Nous payons des impôts et les administrations doivent nous rendre compte de leurs actions. C’est un enjeu de transparence que de pouvoir avoir accès aux documents publics !

Mais alors, quoi demander ? Voici quelques exemples de documents que vous pouvez demander :

  • Un rapport d’étude produit par une administration ou pour une administration,
  • Une base de données anonymisée,
  • Les statistique de consultation d’une page web d’une administration, ou même les statistiques d’engagement d’un message publié sur les réseaux sociaux par une administration,
  • Les courriers électroniques échangés entre une administration et une organisation (association, entreprise privée…),
  • Les contrats passé entre une administration et une organisation (en excluant certaines mentions commerciales),
  • Le code source d’un logiciel édité par une administration,
  • …et plein d’autres !

Étape 1 : demandez !

Pas besoin de bac+5, d’être juriste ou d’être dans un parti politique, demandez maintenant ! Tout ce que vous voulez à n’importe quelle administration, demandez-le ! Rendez-vous sur le site de l’administration, trouvez un point de contact (un formulaire, une adresse électronique) et c’est tout ce que vous avez besoin pour demander. En principe, vous n’avez même pas besoin de savoir si vous êtes au bon endroit : la loi précise que si vous faites une demande pour un document public à une administration et que cette administration n’a pas le document mais qu’une autre administration l’a, alors c’est à l’administration à qui vous avez demandé de transmettre votre demande à la bonne administration. Éviter tout de même de demander au ministère de l’éducation nationale le plan d’urbanisme de votre commune…

Dans votre demande, vous n’avez besoin que d’indiquer que vous faites une demande de documents publics. Moi, je cite le CRPA (Code des Relations en le Public et l’Administration), parce que ça fait classe et parce que c’est LE texte de référence en la matière, mais ce n’est pas obligé. Vous n’avez pas non plus l’obligation de motiver votre demande (sauf pour certains cas précis, on y reviendra), donc je vous conseille de ne jamais motiver votre demande. Ça ne leur regarde pas ! Demander un document public est un droit !

Pour faciliter votre demande, vous pouvez utiliser le site web madada.fr. Ce site web permet d’identifier l’administration et de rédiger et envoyer automatiquement le courrier électronique ! Ça simplifie beaucoup les choses. Pour ma part, je faisais des demandes de documents publics avant la mise en place de Madada. J’ai même créé mon propre site dav.li/prada pour trouver les adresses mail des PRADA (Personne Responsable de l’Accès aux Documents Administratifs). En contactant directement les PRADA, on a plus de chance que notre demande soit rapidement traitée (en théorie).

Dernier détail, gardez bien la preuve que vous avez fait votre demande ! On s’en servira à l’étape 3. C’est pour cela que je déconseillerais d’utiliser les formulaires de contact. Pour beaucoup de formulaire, on ne vous transmet pas une copie de votre demande. (Il faut faire une copie d’écran du formulaire). Il est bien plus simple d’envoyer un courrier électronique et de pouvoir le retrouver si besoin.

Étape 2 : attendez… (1 mois)

C’est la la partie la plus frustrante. Il faut laisser un mois à l’administration pour répondre. Au delà de ce délai, la loi prévoit que l’administration a donner une réponse négative de façon tacite. Parfois, vous pouvez recevoir une réponse rapide (rare), avec le document demandé (très très rare) ou aucune réponse (très souvent). Mais, alors pourquoi faire des demandes si on n’obtient que très rarement le document ? Car il y a une étape 3 !

Étape 3 : saisissez la CADA

Si vous avez reçu une réponse négative (une réponse de l’administration qui refuse de vous transmettre le document, ou pas de réponse après un mois), alors vous pouvez saisir la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs).

La CADA est une autorisé administrative qui rend des avis sur les demandes de documents faites par les citoyen·ne·s. Parfois les administrations ne vous répondent pas à certaines demandes tout simplement parce qu’iels souhaitent que la CADA rende un avis sur votre demande. En effet, pour des demandes complexes (où il y a des données personnelles ou privées en jeu, ou même des données confidentielles, ou si les documents semblent inhabituels : par exemple, des échanges de courriers électroniques, etc.), l’avis de la CADA peut permettre de lever ces doutes. Cependant, il ne faut pas se leurrer, il y a fort à parier que certaines administrations ne répondent à aucune demande de document public et attentent que le citoyen aille jusqu’à la saisine CADA pour se bouger. Certaines administrations ont tout simplement pas les moyens de répondre aux demandes ou sont même contre l’ouverture de documents publics (j’ai eu des avis de la CADA où il est mentionné une réponse de l’administration à la CADA sur ma demande où l’administration expose leurs motivations à ne pas publier les documents alors qu’elle ne m’a jamais répondu à moi). Il faut comprendre que la CADA peut contacter les administrations de leur côté et faire tout un travail en coulisse pour vous si jamais elle estime que les données doivent être ouvertes. Du moins, c’est que qui semblait être fait avant l’été 2020. Depuis cette date la direction de la CADA a changé et cela a peut-être affecté leur méthode de travail. Du moins, on a vu une nette volonté du nouveau président d’accélérer les avis CADA. Car oui, j’ai oublié de vous dire : la CADA peut prendre plusieurs mois à rendre son avis.

Étape 4 : que faire après un avis de la CADA ?

Si l’avis est positif, ou partiellement positif (ça arrive souvent que la CADA émette des conditions, comme par exemple l’anonymisation des données), il vous faut attendre un mois pour savoir si l’administration va se conformer à l’avis CADA. J’avoue que je ne crois jamais avoir eu le cas où l’administration se conforme à la décision (terrible phrase quand on y pense). Pour cette étape, c’est comme pour l’étape 2, au bout d’un mois en l’absence de réponse, c’est une réponse négative tacite. Lorsque vous avez une réponse négative, l’aventure n’est pas terminée ! Vous pouvez attaquer l’administration devant la justice administrative. Vous devrez vous rendre sur citoyens.telerecours.fr et déposer plainte au tribunal administratif. Et là, il faut encore attendre, mais malheureusement, l’ordre de grandeur c’est minimum un an !… Attention, ne tardez pas pour déposer plainte au tribunal administratif : comme toutes les décisions administratives, il y a un délai maximum de deux mois pour l’attaquer. Après ce délai, aucune plainte ne pourra être déposée !

Conclusion

Si vous avez lu tout l’article, vous avez compris que c’est un peu un parcours du combattant pour obtenir un document public : si l’administration ne veut pas vous le transmettre, la loi ne prévoit pas de perquisition… ou même un name-and-shame comme je l’avais proposé lors de la Mission Politique publique de la donnée. Si l’administration ne respecte pas la loi, il ne se passe rien ou presque. Alors, une question est pourquoi se donner autant de mal si ça ne fonctionne jamais ? Parce que parfois, ça fonctionne quand même, et parce que c’est un acte politique et citoyen fort. Demander un document public, c’est déjà dire aux pouvoirs publics, ça nous intéresse de savoir ça ! Mon opinion est que plus les citoyen·ne·s demandent des documents publics plus l’État va améliorer sa transparence.

Dans cet article, je n’ai aborder que la partie émergée de l’iceberg. Avec un quelques expériences, vous découvrirez des subtilités. Par exemple, si vous demandez un document public aux assemblées parlementaires (Assemblée Nationale ou Sénat), celles-ci bénéficient d’un régime spécial qui leur permet de refuser une demande sans que la CADA puisse faire quelque chose. Une fois, j’ai fait une demande au Sénat, il a refusé explicitement de me communiquer un document, et quand j’ai été à la CADA, cette dernière ma répondu que c’était de leur bon droit. Comme la CADA ne pouvait rien faire, je suis retourné voir le Sénat en leur prouvant que leur raisonnement n’était pas bon (leur motif de refus était bancal) et, par chance, celui-ci a été convaincu et à m’a finalement donné ce que je voulais ! Comme quoi parfois, lorsqu’on obtient une réponse négative avec un motif qui n’est pas conforme à la jurisprudence, il suffit de fournir des sources de droit le montrant pour que cela paye. Un autre exemple de spécificité est sur les listes électorales. Vous pouvez tout à fait demander les listes électorales (avec toutes les informations personnelles des gens, oui), mais il existe des dispositions spéciales pour cette demande de part sa nature sensible. C’est une des seules demandes de documents publics où l’administration peut (et va sûrement) vous demander une justification. Elle va vous demander de réaliser une attestation sur l’honneur que vous n’allez pas diffuser cette information et que son utilisation va être non commerciale. Un dernier exemple de subtilité est sur les entreprises privées. Une entreprise privée peut être soumis au CRPA si elle réalise « une mission de service public ». Donc, vous pouvez demander à la SNCF des documents, par exemple. Le problème étant que la définition de mission de service public est plutôt vague… Du coup, c’est un peu au petit bonheur la chance sur ce point, j’ai l’impression. Dans tous les cas, les avis CADA sont aussi des documents publics et ils sont accessible sur cada.data.gouv.fr ! Donc, n’hésitez pas à chercher dans les anciens avis CADA ce qui semble être accepté et non accepté.

Bien sûr, tout ce que j’ai écrit ici n’a pas de valeur juridique. Si vous souhaitez savoir précisément ce la loi dit, il faut la lire ! Je pense tout de même n’avoir pas dit trop de conneries et donner des premières clés vous permettant de réaliser votre première demande de documents publics. D’ailleurs, si vous vous lancez, n’hésitez pas à me partager vos demandes de documents publics, je serais ravis de les lire !

Pour aller plus loin :