Cet après-midi avait lieu l’audience du référé liberté de La Quadrature du Net, Adelico et syndicats contre le décret autorisant l’usage des drones par les forces de l’ordre. Le ministère de l’Intérieur a utilisé a plusieurs reprises l’argument selon lequel les drones seraient utiles pour les victimes. Décryptage.
On vous l’assure, c’est bien pour vous. Voilà en substance un argument répété par la défense représentée par le Ministère de l’Intérieur en salle des contentieux du Conseil d’Etat. Si vous êtes victime d’une agression, d’un vol ou tout autre événement répréhensible, les images de vidéosurveillance pourraient vous être utiles en tant victime. Le ministère ose même citer l’exemple d’un tire de flashball : le drone qui filmerait l’événement serait utile au manifestant qui recevrait la balle en caoutchouc pour identifier l’auteur du tir. Tout ça pour tenter de justifier la durée de conservation des images des drones.
Durée de conservation, définition
Même après l’épisode du Stade de France, le ministère de l’Intérieur n’a donc toujours rien compris au concept de durée de conservation. Selon le RGPD, les données personnelles doivent être conservées « pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». Grâce au droit à la limitation (article 18), il est possible pour la personnes concernée de demander à un responsable de traitement de conserver plus longtemps des données personnelles si par exemple vous souhaitez défendre vos droits en justice.
Pour les images de vidéoprotection, l’article L252-5 du Code de la sécurité intérieure est clair :
Hormis le cas d’une enquête de flagrant délit, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, les enregistrements sont détruits dans un délai maximum fixé par l’autorisation. Ce délai ne peut excéder un mois.
L’autorisation peut prévoir un délai minimal de conservation des enregistrements.
L’autorisation préfectoral fixe obligatoirement une durée maximale de conservation (qui ne peut excéder un mois) et peut aussi, mais c’est facultatif, fixer une durée de conservation minimale (qui n’est pas forcément égale à la durée maximale).
Or, lors de l’audience, le ministère de l’Intérieur a affirmé à tord que la durée de conservation était forcément la durée maximale et minimale. Cet amalgame est regrettable, surtout pour faire miroiter (encore une fois) une utilité de la vidéosurveillance.
Accès aux images, dans la pratique
Utiliser l’accès aux images comme argument de l’utilité de la vidéoprotection est d’autant plus préjudiciable que ce n’est pas le but de ces systèmes. Les requérants ont tout de suite pointé le fait que le ministère de l’Intérieur inventait une finalité pour les citoyens à un système policier de surveillance.
Dans les faits, et je l’ai montré sur ce blog et avec Camerci.fr, il est très compliqué d’accéder aux images de vidéosurveillance. En plus, l’affaire du Stade de France, où le ministère de l’Intérieur était directement impliqué, a montré l’inutilité des systèmes de videosurveillance pour les victimes puisque justement il était impossible pour les autorité judiciaires d’obtenir les enregistrements à temps, justement car les vidéos étaient détruites dans un délai de 8 jours bien trop court pour la procédure, alors même que le délai maximum était bien de 30 jours.
Un autre délai nous attend maintenant, celui avec lequel le juge des référés doit rendre sa décision : dans les prochains jours. Affaire à suivre…