Alors que les jeux olympiques se sont terminés il y a une semaine et que les paralympiques commencent dans quelques jours, faisons un bilan à mi-étape sur le déploiement de la vidéosurveillance algorithmique.

Photo d'une caméra de vidéosurveillance aux abords d'un site olympique

Et oui, le dispositif de la vidéosurveillance algorithmique, qui est expérimenté en France notamment à cause des jeux olympiques, n’a finalement pas été utilisée par les organisateurs de Paris 2024. Certes la RATP, la SNCF et la préfecture de police de Paris l’ont utilisée, mais pas le comité d’organisation qui avait pourtant installé bon nombres de caméras dans les sites olympiques (comme celle en photo ci-dessus).

Hors des gares ou stations de métro, il n’y a eu que 185 caméras sur la voie publique, dans toute l’Ile de France, qui avaient l’algorithme d’activé, alors que la préfecture de police de Paris dispose déjà de plus de 4000 caméras. Cette dernière a publié sur son site la liste des caméras sous algorithme.

Ce qui peut paraitre étonnant, c’est que les 185 caméras ne sont en réalité pas dans le réseau habituel des caméras de la ville de Paris, mais sont toutes des caméras temporaires installées pour les jeux olympiques. On peut le voir par les arrêtés cités dans l’arrêté autorisant le traitement algorithmique : tous datent de 2023 ou 2024.

« Arrêtez avec les arrêtés »

Pour rappel, l’article 10 de la loi du 19 mai 2023 prévoit que l’emploi du traitement algorithmique est autorisé par le préfet. En clair, il faut un arrêté à chaque utilisation de l’algorithme. La loi précise également que cette utilisation ne peut être faite que sur des systèmes de vidéoprotection, donc des caméras filmant la voie publique (par exemple aux abords d’un bâtiment). Ceux-ci sont également autorisés par arrêté (voir Code de la sécurité intérieure). Le problème est qu’il est souvent impossible de trouver ces derniers arrêtés.

Dans les arrêtés autorisant l’emploi du traitement algorithmique, il est cité en préambule les arrêtés autorisant les systèmes de vidéoprotection. Mais impossible de mettre la main dessus.

En revanche, on peut voir quand ils ont été pris, et comme indiqué précédemment, tous datent de 2023 ou 2024, et bien souvent il est indiqué qu’il s’agit d’une autorisation temporaire. Après quelques recherches, on peut trouver des installateurs se vantant d’avoir installer des systèmes de vidéoprotection (comme ici à Vaires-sur-Marne). Il est bien indiqué que celui-ci est temporaire.

Ainsi, la préfecture de police de Paris a installé ses propres caméras, y compris à Vaires-sur-Marne par exemple, mais de façon temporaire.

(In)compétence

Mais pourquoi la préfecture de Paris peut installer des caméras à Vaires-sur-Marne qui est en Seine-et-Marne ? Sans rentrer dans les détails, il y a un décret qui donne temporairement (là encore) la compétence de la police dans les départements où il y a des épreuves de JO.

En parlant de décret, il faut s’attarder sur la rédaction de la loi pour tenter de comprendre pourquoi le comité d’organisation de Paris 2024 n’a pas fait de vidéosurveillance algorithmique.

On l’a vu, pour faire de la vidéosurveillance algorithmique, il faut déjà avoir un système de vidéoprotection (donc autorisé à filmer la voie publique). Mais, est-ce que vraiment n’importe qui qui a un système de vidéoprotection peut faire de la vidéosurveillance algorithmique ? Est-ce que le supermarché du coin qui a des caméras qui filment le devant du magasin peut vraiment demander à faire de la vidéosurveillance algorithmique ?

Non. Déjà, l’esprit de la loi vise des autorisations temporaires dans le cadre d’organisation de grands événements. Ensuite, il y a une disposition dans la loi qui cite un certain nombre d’acteurs :

« Ces traitements ont pour unique objet de détecter, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques et de les signaler en vue de la mise en œuvre des mesures nécessaires par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les services d’incendie et de secours, les services de police municipale et les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens dans le cadre de leurs missions respectives. »

Mais c’est surtout dans le décret d’application qu’il y aune précision capitale. Selon son article 13, seuls ces acteurs sont autorisés à faire de la vidéosurveillance algorithmique (et il n’y a pas le comité d’organisation des JO). Une précision qui n’était pas présente dans la loi.

Le pass VIPARIS

Cependant, un arrêté seime le trouble. Il autorise la préfecture de police de Paris à faire de la vidéosurveillance algorithmique au Parc expo Porte de Versailles, et cette fois-ci en utilisant les caméras de VIPARIS, le gestionnaire du parc des expo !

C’est à ne plus rien y comprendre, surtout quand est cité un arrêté d’autorisation de la vidéprotection pour VIPARIS en date du 3 mai 2024, alors qu’on retrouve des traces de cet arrêté en 2019.

En plus, d’après un article de 2022 du site Agora managers, VIPARIS déclare déjà faire de la vidéosurveillance algorithmique en dehors du cadre légal de la loi jeux olympiques.

Bref, les conditions d’emploi de la vidéosurveillance algorithmique sont très complexes et devraient être éclaircies par les pouvoirs publics.