Le site web du Référendum d’Initiative Partagée (RIP) est de piètre qualité. Si les problèmes ergonomiques ou techniques rendent le dépôt d’un soutien compliqué, un problème de conception bien plus grave, qui doit être dénoncé, empêche les citoyen·ne·s d’exercer leurs droits.
Cet article est une réclamation ouverte auprès du Conseil constitutionnel à propos de la procédure du RIP. Ce recours vise à permettre l’enregistrement des soutiens sans que le système informatique empêche l’exercice de ce droit à cause du blocage du formulaire de dépôt lorsque l’identification de l’électeur·rice a échoué.
Notre très chère Constitution française prévoit un droit au référendum d’initiative partagée grâce à son article 11 et la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 précise les modalités d’application tout comme plusieurs décrets et notamment le décret n° 2014-1488 du 11 décembre 2014. La loi organique ainsi que l’article 2 du décret n° 2014-1488 indiquent clairement :
« Tout électeur inscrit sur les listes électorales peut […] apporter son soutien à une proposition de loi présentée en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution »
Cependant, le site web mis en place par le ministère de l’Intérieur sous le contrôle du Conseil constitutionnel (comme indiqué par l’article 3 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013) ne permet pas, selon moi, aux citoyens et citoyennes français·e d’exercer convenablement ce droit. Plusieurs problèmes ergonomiques ou techniques rendent le dépôt d’un soutien à une loi référendaire compliqué. Mais un problème de conception du site web empêche l’accès à ce droit. Si un·e citoyen·ne ne renseigne pas correctement ses informations d’identification (son nom, son ou ses prénom·s, etc.) ou si le système informatique n’arrive pas à rechercher et trouver la personne à cause d’informations d’identification incorrectes dans sa base de données, le système informatique refuse l’enregistrement du soutien. Le fait que le système informatique refuse d’enregistrer le soutien empêche le citoyen ou la citoyenne d’exercer son droit.
Il est vrai que l’article 2-1 du décret n° 2014-1488 du 11 décembre 2014 précise que « l’inscription de l’électeur sur les listes électorales est vérifiée préalablement à l’enregistrement de son soutien ». Cette vérification doit être faite sur le répertoire électoral unique (REU) . Cependant, on peut observer plusieurs problèmes. Le REU comporte de nombreuses erreurs et les électeurs et électrices ne peuvent pas ou difficilement savoir si leur enregistrement sur les listes électorales comporte des erreurs et lesquelles lorsqu’il y en a. De plus, on observe que le site web du référendum d’initiative partagée ne permet pas une vérification convenable des informations d’identification avec le REU. On peut notamment le remarquer avec le formulaire permettant d’interroger sa situation électorale du site service-public.fr. Ce formulaire doit normalement utiliser la même base de données que le formulaire pour déposer un soutien à une proposition de loi référendaire, pourtant nous pouvons remarquer que la présence d’un nom composé avec ou sans tiret ne pose pas problème pour ce formulaire. A l’inverse, le formulaire pour déposer un soutien à une proposition de loi référendaire bloque si on ne renseigne pas un tiret alors qu’il y en a un. Celui de service-public.fr ne bloque pas et délivre une réponse lorsqu’on recherche avec un nom composé que ça soit avec ou sans tiret. Avec cet exemple, nous pouvons déjà légitimement questionner la qualité du formulaire de dépôt d’un soutien à une proposition de loi référendaire mais surtout interroger l’égal accès au droit démocratique du dépôt de soutien. Les personnes ayant un nom composé ne peuvent potentiellement pas ou difficilement déposer un soutien. Mais cet exemple est un exemple parmi d’autres. Nous pourrions potentiellement établir un lien similaire entre le sexe du signataire et le taux d’erreur notamment car les électrices sont beaucoup plus nombreuses à utiliser un nom d’usage (même si, pour rappel, chacun des sexes peut utiliser un nom d’usage). Or renseigner un nom d’usage bloque aussi le formulaire de dépôt d’un soutien à une loi référendaire.
Le fait que le formulaire de dépôt d’un soutien se bloque et empêche l’enregistrement du soutien si l’électeur·rice n’est pas identifié par le système informatique est très problématique. Je pense même qu’il contrevient aux textes législatifs en vigueur. En effet, le 4° du I de l’article 4 du décret 2014-1488 indique que « Pour les électeurs qui ont été dans l’impossibilité de consulter le répertoire électoral unique avant l’enregistrement de leur soutien, l’inscription de l’électeur sur les listes électorales est confirmée ». Malgré une rédaction difficilement interprétable, le fait que le formulaire de dépôt d’un soutien ne propose aucune alternative permettant de satisfaire la confirmation par défaut de l’inscription contrevient bien à la disposition citée ici. D’ailleurs, l’article 2-1 du décret 2014-1488 mentionne deux exceptions, l’une pour les électeurs déclarant une commune d’inscription en Nouvelle-Calédonie (car le REU ne s’applique pas) et la seconde qui est ce même 4° du I de l’article 4 (cité précédemment) : « Sauf dans les cas prévus aux 2° et 4° du I de l’article 4, l’inscription de l’électeur sur les listes électorales est vérifiée préalablement à l’enregistrement de son soutien. ». Ainsi, et selon le 4° du I de l’article 4 du décret 2014-1488, j’en déduis que quiconque ayant « été dans l’impossibilité de consulter le répertoire électoral unique », en prouvant que, par exemple, le site web permettant la consultation était indisponible, inaccessible, inutilisable ou introuvable, devrait pouvoir faire valoir son droit au soutien à une proposition de loi référendaire. Or actuellement, le site web du référendum d’initiative partagée empêche l’exercice de ce droit.
Par conséquent, et pour toutes les raisons précédemment dictées, je souhaite déposer une réclamation auprès du Conseil constitutionnel visant à permettre l’enregistrement des soutiens sans que le système informatique empêche l’exercice de ce droit à cause du blocage du formulaire de dépôt lorsque l’identification de l’électeur·rice a échoué.
Je tiens également à rajouter que le dépôt d’un soutien en mairie ou consulat ne facilite pas l’identification de l’électeur·rice. Les agent·e·s en charge d’enregistrer le soutien utilisent visiblement un site web très similaire à celui du grand public ayant pour seule différence une identification requise de l’agent·e. Ainsi, le système informatique permettant l’identification sur le REU de l’électeur·rice est identique à celui du grand public. Par conséquent, le dépôt via un formulaire papier ne permet bien souvent pas d’avoir plus de chances d’enregistrer le soutien. C’est surtout vrai quand les agent·e·s admettent n’avoir eu aucune formation pour réaliser cette tâche nouvelle.
En plus de ce recours visant à permettre l’enregistrement des soutiens sans que le système informatique empêche l’exercice de ce droit à cause du blocage du formulaire de dépôt lorsque l’identification de l’électeur·rice a échoué, je souhaite obtenir la communication du nombre de personnes ayant tenté de déposer un soutien mais ayant été bloqué par le système informatique d’identification des électeur·rice·s via le REU. Tout comme le nombre de soutiens validés et non validés ou en cours de validation communiqué tous les 15 jours par le Conseil constitutionnel, le nombre de soutiens ayant été bloqués par le système d’identification des électeur·rice·s via le REU doit, selon moi, être également communiqué dans un objectif de transparence sur la participation à la procédure du référendum d’initiative partagée.