Alors que des parlementaires ont déposé il y a quelques jours auprès du Conseil constitutionnel un nouveau Référendum d’Initiative Partagée sur les super profits, je publie aujourd’hui des documents exclusifs sur la procédure du RIP.

Il aura fallu attendre 3 ans pour enfin recevoir les documents demandés au Ministère de l’Intérieur sur le Référendum d’Initiative Partagée. Utilisée pour la première fois en 2019 contre la privatisation des aéroports de Paris, cette procédure avait mobilisé plus d’un million de personnes.

Le Référendum d’Initiative Partagée, aussi nommé “RIP”, est la seule procédure électorale française entièrement dématérialisée. Lorsque 185 parlementaires soutiennent une proposition de loi référendaire et que le Conseil Constitutionnel la valide, c’est au tour des citoyens d’y apporter leur soutien. Pour ce faire, il faut renseigner son identité sur le site referendum.interieur.gouv.fr. C’est avec 10% des électeurs que celle-ci peut-être validée et continuer son parcours législatif.

Lorsque pour la première fois en 2019 le RIP a été utilisée, il n’a pu rassembler que 1 090 570 soutiens, bien loin des 4,7 millions requis. La mise en place du site web permettant le dépôt d’un soutien avait fait coulé beaucoup d’encre. Manque d’ergonomie, problèmes sur les codes INSEE, absence de compteur de signature, les critiques ont fusé de la part de l’opposition. Les documents reçus il y a quelque jours permettent d’en apprendre plus sur cette procédure.

Je publie aujourd’hui l’intégralité des documents transmis par le Ministère de l’Intérieur :

On pourra regretter que des parties entières aient été occultées ou même supprimées. Le journal de mise à jour du site a été tronqué à la seule période du RIP sur les aéroports de Paris et bon nombre de versions sont tout simplement manquantes (alors qu’elles étaient importantes selon mon propre audit du site). Le contrat de prestation ne mentionne pas le coût. Le cahier des charges n’est pas daté (un décret de 2019 est cité, mais dans le texte la plateforme du RIP est décrite page 9 comme un « futur dispositif »). Cela rend difficile la compréhension des documents.

Problèmes d’ergonomie

Une des principales critiques du site du RIP était son manque d’ergonomie. On pourra citer la député LFI Clémentine Autain qui s’était fendue d’une vidéo sur Twitter dénonçant « un site qui n’est pas très coopératif ». La député avait dû changer d’ordinateur et avait eu des difficultés à trouver le code INSEE de sa commune de naissance, un numéro différent du code postal que peu de personnes connaissent et qui était pourtant demandé par le site. Le Conseil constitutionnel, en charge de vérifier le bon déroulement de la procédure électorale, avait attendu la fin de la période de recueil des soutiens pour également regretter un « manque d’ergonomie générale du site ».

Dans le cahier des charges obtenu auprès du ministère de l’Intérieur, on apprend que « l’intuitivité et la facilité d’utilisation » était bien une des exigences retenues. « L’électeur [doit pouvoir] déposer son soutien le plus rapidement et facilement possible », est-il écrit. Un tableau résumant les principales fonctionnalités et exigences note l’intuitivité et l’ergonomie de l’application seulement au niveau 2/3 : « nécessaire » mais pas « indispensable ».

Quant au code INSEE demandé lors de l’inscription, on comprend qu’il est utilisé lors de l’interrogation du Répertoire Électoral Unique. C’était une des dispositions litigieuses dans la mise en place du RIP. Un décret publié la veille de la mise en ligne du RIP sur les aéroports de Paris modifiait la méthode de vérification de l’identité. Celui-ci instaurait une vérification préalable au dépôt du soutien via ce répertoire maintenu par l’INSEE. C’est cette vérification qui pouvait poser problème pour beaucoup de personnes. Sans connaitre le code INSEE de sa commune de naissance ou dans le cas d’un nom ou prénoms mal orthographiés dans le Répertoire Électoral Unique, l’électeur était bloqué dans le dépôt de son soutien.

Compteur de signatures

Une des critiques les plus vives, après l’ergonomie du site, était l’absence de compteur de signatures présent sur le site du RIP. Des citoyens, dont votre serviteur, avaient créé des compteurs de signatures alternatifs grâce à la liste des signataires. Le journal Libération publiait quotidiennement ces chiffres. Le professeur Paul Cassia avait déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel pour demander leur communication. Ce dernier avait prononcé un « non-lieux à statuer » ayant entre temps commencé à publier des communiqués périodiques avec le nombre total de soutiens validés.

On découvre dans le cahier des charges du site du RIP l’existence d’indicateurs comme le nombre de soutiens enregistrés avec des répartitions par communes ou par date et heure de dépôt et même le nombre de visiteurs sur le site avec leur origine géographique. Pourtant, questionné sur le sujet le ministère de l’Intérieur ne m’a jamais transmis les statistiques de consultation du site du RIP qui aurait été très utiles pour savoir combien de personnes avaient tenté de déposer un soutien sans pour autant avoir pu terminer le processus notamment à cause de la vérification préalable via le Répertoire Électoral Unique. Le Conseil constitutionnel quant à lui avait également refusé lors d’un recours d’utiliser les statistiques de visite pour constater un potentiel dysfonctionnement dans la procédure.

En tout état de cause, le cahier des charges du site du RIP montre que le nombre total de soutiens était donc déjà un indicateur en place. Il aurait été donc possible de l’afficher sur le site pour avoir un compteur de signature.

Même s’il est maintenant un peu tard pour utiliser ces documents, 3 ans après la procédure du RIP sur la privatisation des aéroports de Paris, ils permettent de mieux connaitre les outils technologiques utilisés pour la seule procédure électorale française entièrement dématérialisée. Il ne reste plus qu’à attendre la décision du Conseil constitutionnel sur le RIP sur les super profits pour voir si ces différents problèmes ont été résolus.